[jdr] Une folle, un patron et l’agent: une partie déjantée de Fiasco
Trois personnages : le patron d’un salon de beauté, son employé (un chicanos très « folle »), et l’agent de probation de ce dernier. Situation normale dans la petite ville de Haycity, dans le sud des Étas Unis.
À la fin, le patron sera en taule, handicapé à vie. L’employé, désormais défiguré, aura fuit au Mexique. Et l’agent de probation purgera une très lourde peine, tout en organisant un trafic depuis sa prison.
Quel jeu de rôle (sans Maître de jeu !) aura mené à ça ? FIASCO !
Le principe de Fiasco est de vivre une partie de jeu de rôle sans MJ et sans préparation. Pas de préparation, car le scénario est créé au fur et à mesure, dans un cadre qui représente un contexte, une ambiance, et des relations. ( Nous avions choisit une petite ville du sud, ça aurait pu être une base avancée dans le grand nord etc. )
Il s’agit bien de jeu de rôle, et pas d’un jeu de plateau, car l’interprétation du personnage de chaque joueur est au cœur du système.
le principe général
le but du jeu est de créer une histoire (il s’agit d’un jeu Narrativiste) autour de nos personnages. Le système du jeu va nous inciter à créer et faire évoluer les relations entre nos personnages, puis va inclure un grain de sable dans l’éventuel rouage trop bien huilé.
Les inspirations principales des auteurs sont les films des frères Cohen, d’où le titre… Il est possible de s’en tirer (si, si, on a vérifié !) mais l’humour noir ne prend vraiment sa saveur que s’il est noir foncé, n’est ce pas ? 😉
La mise en place
Un nombre précis de D6 est utilisé par les joueurs pour choisir des éléments dans le cadre de jeu. Ces éléments sont inscrits sur des post it entre chaque joueur. Le jouer A définit donc des éléments de relations avec chacun de ses deux voisins de table, idem pour les autres joueurs.
Ainsi, mon personnage (que j’ai définit au fur et à mesure de ces choix de post it, mais dont j’ai eu une vision claire uniquement à la fin de cette phase), avait une RELATION de travail de type patron/employé avec le personnage de Théo. Le tout lié à un lieu qui était le « New Look », un salon de beauté et de massages situé sur le Boulevard du commerce.
Et j’avais une relation avec le perso de Lauréline de type Judiciaire/contrôleur Judiciaire, à laquelle j’avais un BESOIN de m’échapper. Un OBJET honteux (problèmes de carte verte) était également spécifié.
Lauréline, qui définira finalement son personnage comme un gros costaud qui en a vu d’autres, est un Javier, Contrôleur Judiciaire qui suit de près mon personnage (surnommé « Jonny » ) Elle a également des Relations avec Christopher (le patron du salon, joué par Théo), qui tournent autour d’un BESOIN de devenir riche, en utilisant une histoire de drogues. On voit que son perso est loin d’être propre sur lui.
J’ai simplifié un peu les divers post it ainsi créés, les voici :
Acte I
Le jeu se déroule en 2 actes, séparés par une embrouille. Et se termine par un dénouement. Comme un film quoi..
Lors de ce 1er acte, nos personnages ont réglé leurs petits problèmes quotidiens, et pour certains, commencé à mettre au point un plan « parfait » pour régler leur problème de dettes et d’envie urgente d’argent ( Mon personnage se contentait de gérer sa liberté surveillée et d’organiser son déménagement futur vers Dallas, pour quitter cette ville minable.)
L’ambiance du jeu était alors assez proche de Jackie Brown, l’excellent film de Tarantino !
Les relations entre Javier, l’agent de probation qui essaye de récupérer du fric très rapidement et Cristopher (le patron du salon) se tendent un peu. Nous découvrons également que ce n’est pas le beau temps entre Javier et sa femme (PNJ). Mon jeune homo est bien apprécié de Javier, qui montre là un côté humain que peu lui connaisse. Et non, aucune attirance sexuelle entre les deux, juste une profondeur de Role Play.
Je vous passe les détails.
Note : le 1er tour de jeu est assez difficile, surtout lors d’une première partie. En joueurs habitués à attendre que le MJ nous demande ce que nous faisons, il faut ici se lancer. Heureusement les post it sont là pour nous donner des pistes. Et les autres joueurs (je parle des JOUEURS, pas des persos) peuvent intervenir sous certaines conditions.
À l’issue de ce 1er acte, nous avons gagné plus ou moins de dés blancs ( positifs) et noirs (ça sent pas bon pour le perso..)
Acte II
Juste avant cet acte, une embrouille a lieu, et les règles permettent de la déterminer. Pour cette partie, seule Lauréline aura eut le droit de la préciser ( inutile de dire que c’était le choix le pire pour la table, et donc le meilleur pour l’histoire !)
Ce second acte ressemblera finalement beaucoup à la série TV « Fargo« . ce n’est probablement pas un hasard, vu qu’elle est inspirée du film du même nom des frères Cohen (1), et que certains joueurs l’avaient vu récemment.
Cette ambiance était particulièrement renforcée par l’interprétation du personnage Christopher par Théo. On aura eu une scène identique à cette photo (sans penser à la série à ce moment là !)
Reprenons l’histoire :
Le plan de nos 2 compères était de planquer de la dope dans les produits du salon de beauté. Or il se trouve que mon jeune éphèbe avait décidé de se faire un soin du visage le lendemain matin, en douce, avant l’ouverture !
Mes cris ont alors alerté le voisinage, et me voila embarqué, les flics commencent à enquêter de plus près. Là ça devient un peu compliqué à expliquer – comme un film des frères Cohen – mais il faut savoir que Javier décide de faire porter le chapeau à Christopher, qui semble bien prêt de vendre la mèche. N’a-t-il pas déjà essayé de téléphoner aux flics ? ( Notez que Javier a un instant pensé à faire porter le chapeau à sa femme, mais comme son beau frère est un membre éminent du gang de motards local, il a pensé à les utiliser pour éliminer Christopher)
J’espère que vous arrivez à suivre l’histoire ! 😉
Nous sur le moment, c’était comme dans le film Sang pour Sang, tu comprends tout.. mais va t’en chercher à expliquer après !
À jouer au con, ce qui devait arriver arriva, et nous voila tous les trois cuisinés par les poulets, moi sur mon lit d’hôpital,
Christopher (Théo) aux urgences ( il avait « rencontré » les motards au fond d’un chantier, et failli finir sous une benne de ciment, et y a laissé un doigt.)
Quand à Javier, légèrement brulé au visage par Christopher, il arrivait encadré par deux flics soupçonneux ( à force de les prendre pour des cons, ils finissent par le devenir !)
J’espère que vous suivez à nouveau, parce que – je me répète – à raconter après coup ça paraît drôlement compliqué ! 🙂
Le dénouement
La mécanique du jeu nous conduit alors à résoudre/terminer l’histoire de nos personnages. Dans notre cas, l »histoire en elle même était terminée/résolue. Mais que devenaient nos trois protagonistes ?
je vous l’ai déjà dit au début, Johnny-plus-si-belle-gueule-maintenant, défiguré par les mélanges de produits, sans carte verte, fuira au Mexique. Javier essaiera de planter Christopher dans la prison. Ce dernier survivra mais restera handicapé à vie. Javier, bien que condamné, sera obligé de par ses fréquentations douteuses à organiser du « business » depuis la prison.
« Je suis super triste pour le pauvre Johnny » a déclaré Lauréline à l’issue de la partie. ( je rappelle que c’est elle qui interprétait Javier !!)
Conclusion sur cette partie et avis sur le jeu
La partie aura duré un peu plus de 2H. (pour 3 joueurs) Le début aura été difficile, puis quand les persos s’étoffent, que les relations se créent, on commence à se sentir plus à l’aise.
Je déconseillerai toutefois à une table de 100% débutants en jeu de rôle de se lancer seuls (avis personnel). Pour créer son rôle, il ne faut pas hésiter à accepter les suggestions des autres joueurs. Quelques astuces de base facilitent ça ( une position, une phrase clef etc.)
Le jeu est vachement bien conçu, bien que sa première lecture soit déroutante ( malgré le très long extrait de partie).
Il existe tout un tas de cadres disponibles sur internet (en plus de ceux inclus dans le livret). Chaque cadre est bien sûr rejouable : les dés de situation de départ changeront le contexte, mais surtout c’est ce qu’en feront les joueurs.
En quoi c’est un vrai jdr :
On pourrait gloser longtemps pour définir le jdr. Nous y avons interprété des personnages dans une histoire. Ça suffit ? 😉
Ce jeu est tout d’abord totalement Narrativiste, bien évidemment sans Maitre de Jeu ! Il inclut aussi, à ma grande surprise, une forte dose de Ludisme, En effet, il est possible de « chercher à obtenir » certaines couleurs de dés pour mieux terminer la carrière du personnage. Et ceci sans nuire à l’histoire (mais ça va compliquer la réflexion du joueur !) ( Désolé pour l’utilisation de ces termes « théoriques ». D’autant que certains les estimeront déjà dépassés. Moi j’aime bien cette théorisation « LNS » qui permet d’analyser ce qui plaît/déplaît dans un jdr. )
Ce n’est PAS DU TOUT un jeu simulationiste. La narration et le consensus des joueurs autour de la table suffit à résoudre les actions. Il n’y a pas de système de résolution.
Par contre, sauf erreur de ma part, il n’est pas prévu d’amélioration des personnages ( XP etc. ) ceci pourrait manquer à certains joueurs, mais le propos n’est pas là. On peut toutefois imaginer reprendre un de ses anciens persos, comme dans les films « à série » (Le Parrain ..)
Différences avec d’autres jeux narratifs :
J’en pratique peu, même si je commence à collectionner les bouquins de règles.
Dans Montségur, le cadre est immuable, et la résolution ne changera pas. Les personnages sont pré-existants, ce qui peut faciliter leur intégration dans le scénario. C’est un jeu à l’univers bien moins rigolo que Fiasco.
OMT propose lui un jeu AVEC MJ et sans préparation, mais dans lequel les joueurs peuvent influencer/modifier l’histoire, en fonction des réussites de leurs personnages. Le cadre est définit par l’ensemble des joueurs ( le MJ est un joueur dans un jdr). L’ambiance reste systématiquement l’Heroic Fantasy.
Je n’ai pas pratiqué – pour l’instant – Remember Tomorrow, l’Agence ou Prosopopée (j’attends de pouvoir jouer à ces 2 derniers avec impatience !!)
Voila un bien long article (originalement écrit pour illustrer une bonne discussion musclée que nous avons eu sur la liste de diffusion de smolensk-le-wargame.) J’attends vos avis et réactions avec impatience !
Portez vous bien !
(1) J’apprends en écrivant ces lignes que les frères Cohen seront les présidents du festival de Cannes ? ( à confirmer ..)
ronan:
je voulais ajouter que j’ai passé un excellent moment ! 🙂
20 janvier 2015, 9:36 pmLauréline:
C’est le personnage le plus ripoux qui s’en sort le mieux aussi ! Puisque le besoin « devenir riche » de Javier peut toujours s’obtenir depuis la prison …
Alors que,le pauvre Johnny, lui ne pourra jamais ouvrir un salon de beauté à Dallas, et le Christopher .. Il a plus son salon, ses jambes, sa liberté …
Je trouve que mon perso s’en sort pas si mal, malgré tous vos effort pour le détruire 😉 Bien fait pour vous !
Super chouette partie en tout cas !
20 janvier 2015, 10:47 pm